Le Bassin d’Arcachon est un milieu particulièrement propice à la reproduction de l’huître creuse japonaise Crassostrea gigas, introduite en France en 1970. On estime que 60 à 70 % des huîtres creuses commercialisées en France sont natives du Bassin d’Arcachon, la vente de naissain constituant 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’ostréiculture arcachonnaise.
C’est la raison pour laquelle, à la suite du très fort déficit de captage de l’année 1998, une étude a été entreprise afin de déterminer si cet événement s’inscrivait, ou non, dans les fluctuations "naturelles" du captage. Pour ce faire, il fallait recenser les facteurs responsables de la variabilité du recrutement larvaire et étudier leur impact sur les différentes étapes de la reproduction.
Les résultats de cette étude sont basés sur l’analyse de séries historiques de données (1985 à 2003) et sur l’acquisition de données nouvelles durant 5 saisons de reproduction qui se sont avérées très contrastées quant à l’intensité du recrutement (1999 à 2003).
Ce travail a permis d’aboutir aux conclusions suivantes :
- l’intensité du captage est fonction, tout d’abord, de la survie des larves au cours de leur développement et, en second lieu, de l’abondance des larves "petites" formées à l’issue des pontes principales ;
- le nombre de larves "petites" d’un été dépend de l’effort de reproduction des géniteurs, qui est lui-même conditionné par la richesse phytoplanctonique du milieu entre la fin de l’hiver et le printemps précédant les pontes ;
- la survie des cohortes dépend de la température de l’eau dans laquelle elles se développent à la fois directement (en accélérant leur croissance) et indirectement (en influant sur la quantité de nourriture disponible pour ces larves) : l’abondance des cellules phytoplanctoniques de 4 à 20 µm (nanoplancton), qui semblent constituer la source majeure de nourriture des larves, est en effet liée positivement à la température.
Il n’a pas été possible de mettre en évidence une influence des autres facteurs étudiés (conditions de dispersion des larves, salinité, zooplancton prédateur ou compétiteur des larves d’huîtres et maladie) sur la survie des cohortes.
Les concentrations des principales molécules organiques et inorganiques susceptibles d’avoir un effet sur le captage (provenant du bassin versant et des peintures antisalissure) ont été établies, les teneurs estivales étant assez variables selon les années étudiées. Dans les conditions observées entre 1999 et 2003, cette contamination n’est pas apparue suffisante pour agir directement sur la survie des larves d’huîtres. Par contre au cours de l’été 2000, les teneurs en herbicides, un peu plus élevées que les autres années, ont pu influer négativement sur l’abondance de la nourriture disponible (nanoplancton).
Les résultats du captage des mauvaises saisons 1998 et 2002, aussi bien que ceux de la très bonne saison 2003, sont bien expliqués par les valeurs des paramètres explicatifs "chlorophylle printanière" et surtout "température pendant le développement des cohortes" au cours de ces années. En revanche, la relativement faible survie de l’unique cohorte de l’été 2000 (captage moyen), qui s’explique mal par la température estivale, semble due à un déficit de nourriture pour les larves peut-être lié à des concentrations en herbicides dans les eaux du Bassin un peu plus élevées que les autres étés.
I. Auby et D. Maurer (Ifremer Arcachon)
Station Ifremer Arcachon; Observatoire Océanologique de Banyuls
Université Bordeaux I; CEMAGREF Lyon; SIBA; Région aquitaine; CG 33